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Et que la fête commence !

A l’évidence il n’y a pas que le théâtre du Jorat qui soit une grange sublime, L’Estrée l’est tout autant, sublime. En 1989, son fondateur Alain Gilliéron en imaginait la structure. Nous voici dans le corps d’un navire aux coursives inversées. Pouvions-nous rêver pareil écrin pour accueillir les œuvres d’Edouard Morerod, peintre dessinateur trop tôt disparu? Dans l’histoire récente c’est la troisième fois que nous le célébrons. En 2017, le Musée d’art de Pully, deux ans plus tard l’Espace Graffenried à Aigle le révélaient à un large public. Gageons que l’exposition de la Fondation L’Estrée – la plus importante numériquement – le fera connaître loin à la ronde.

Si le parcours de l’exposition n’obéit pas à une démarche chronologique, c’est un choix délibéré. En franchissant le seuil nous entrons de plain-pied dans cette Espagne qui fut pour Morerod sa seconde patrie. Une terre de soleil et de chaleur, celle de l’Andalousie où les femmes et les hommes ont du caractère. Il y a de la fièvre chez celui qui, bien que Suisse né à Aigle en 1879, n’a guère de considération pour ses compatriotes qualifiés de « barons du fromage ». C’est l’accorte danseuse Conchita Olivar, vue en pied, qui accueille de loin le visiteur. Elle voisine des œuvres majeures : Les deux amies et Les deux sœurs. Dans cette même aire apparaît aussi Pastora, modèle fétiche de l’artiste dont il fera des centaines de portraits, de nombreux pastels et quelques peintures même une, monumentale que vous avez sous les yeux. Il n’y a pas que la joliesse qui retienne l’attention de ce résistant de la première heure – résistant aux modes artistiques en vigueur. Comment ne pas s’émouvoir devant la Femme âgée aux longues mains qui tient de l’icône. Nous sommes à l’évidence au cœur de l’humain.

Cherchez l’erreur ! En effet toutes les œuvres présentes dans cet environnement immédiat ne sont pas espagnoles. Datant de 1916, la toile Femmes devant un homme tué témoigne de l’engagement du peintre lors de la Première Guerre mondiale, l’ombre de Guernica n’est pas loin et la mère et l’enfant, toute proche, s’apparente à la Période bleue de Picasso. A la cimaise les toiles ne semblent-elles pas dialoguer ?

L’offre de ce jour se répartit en 7 sections : Espagne – Paris – Maroc – Dame admirable – Saint-Jean-de-Luz – Suisse – Russie. C’est en 1901 que le jeune Morerod séjourne à Lotarevo en tant que précepteur du fils du prince Wiasemsky. Premières aquarelles, premiers carnets de croquis, une huile campant une paysanne dans un champ est intitulée Pochade de Russie. Morerod a choisi son camp, il délaissera la littérature pour s’orienter vers les beaux-arts. Sa rencontre à Paris avec Rodolphe Théophile Steinlen au tournant du siècle passé est décisive, comme l’est celle de Marius Borgeaud, le chantre des intérieurs. Au fil du temps, sa vie parisienne le fait croiser aussi bien des personnalités en vue que de pauvres hères. Son penchant pour la gent féminine fait qu’il multiplie les portraits, allant jusqu’à camper de jeunes femmes aux coiffures extravagantes. Cerner au plus près, forer le tréfonds des êtres, telle est sa devise.

Son retour au pays en 1905 le fait se réfugier dans les alpes. S’adonnant au pleinairisme, il illustre l’extraordinaire cirque de montagnes de la région de Saas-Fee, travaillant des grands formats peaufinés à l’abri des regards. En 1911 c’est au Maroc, à Tanger, qu’il passera trois mois lors d’un séjour qui ne le satisfait qu’à moitié. N’est-il pas l’homme du regard et les nombreuses femmes voilées le désolent. Stylistiquement parlant les œuvres de cette période restent exemplaires. Elles lui valent d’être reconnu comme un Orientaliste. En 1907 déjà il est membre du jury du Salon d’Automne à Paris. Il faudra attendre 1913 pour que le Musée Rath à Genève lui consacre une importante exposition. Comme on peut s’en convaincre, c’est la figure humaine qui le mobilise au-delà de tout. Il se révèle aussi un pastelliste remarquable. Le paysage n’est pas oublié pour autant, cultivé cependant en tant que dérivatif.

Nous citions tout à l’heure la Sévillane Pastora comme son égérie dans la durée, « mine de chatte et souplesse de serpent » note-t-il dans son journal intime. En 1918, il tombe sous le charme de celle qu’il surnomme La Dame admirable. D’un port altier, elle est la sœur du poète Jules Supervielle, originaire de Montevideo. Elle est le prélude à une recherche plastique toute à l’économie, le trait pour le trait afin de parvenir à l’essentiel. Morerod, souvent cabossé par les méfaits de l’existence et le dénuement, connaît de temps en temps des moments privilégiées comme en témoigne la série de pochades réalisées au bord de la mer, à Saint-Jean-de-Luz en 1918. Un an plus tard, le peintre décède le 22 juillet à Lausanne, terrassé par la tuberculose.

Nous pourrions ainsi broder à l’envi et détailler chaque œuvre en la replaçant dans son contexte historique. Ce n’est pas de circonstance car c’est à une fête de l’œil que vous êtes conviés, avec la possibilité, depuis la dernière exposition de la galerie Vallotton à Lausanne en 1991, d’acquérir des Morerod à des prix particulièrement attractifs. En dehors de ce qui est aux cimaises, sont à disposition des porte-cartons à dessins comportant de nombreuses planches dûment sélectionnées. Une partie d’entre elles figuraient dans l’ouvrage de référence Edouard Morerod – Entre soleil et solitude, publié conjointement à l’exposition pulliérane, indispensable pour qui veut en savoir plus. Il nous a paru opportun de mettre aux enchères le délicieux portrait de la petite Anglaise Diana, sujet de l’affiche. L’enchère débute à 3’700.¬–, l’œuvre étant attribuée au plus offrant à la toute fin de l’exposition !

Transformer l’essai, oui, mais grâce à de nombreux artisans dont Crytel Ybloux et Alain Gilliéron auxquels on doit la scénographie de ce « Morerod-rama », sans compter l’appui logistique de l’Association des amis du peintre que j’ai le privilège de présider depuis sa fondation en 2013.

Jacques Dominique Rouiller
Président de l’Association des amis
d’Edouard Morerod

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Monographie_Morerod Affiche_Pully_Morerod
Edouard MorerodEntre soleil et solitude. Un beau livre
au format 24 x 30 cm. Plus de 200 illustrations en couleur.
Textes de Florence Millioud Henriques, Noël Cordonier,
Laurent Langer, Jacques Dominique Rouiller.
Ed. Till Schaap I Ed. Genoud. Prix CHF 59.–
En vente en librairie.
Le Musée d’art de Pully  a donné à voir
une centaine d’œuvres d’Edouard
Morerod du 18 mai au 30 juillet 2017L’Espace Graffenried à Aigle accueillera la prochaine
exposition Morerod du 5 avril au 14 septembre 2019

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Edouard Morerod. Le Temps

 

Liens https://fr.wikipedia.org/wiki/Édouard_Morerod

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